Itinéraire et préparation

Un voyage dans la bande de Gaza demande une certaine préparation. Le contexte politique complexe de cette région impose des contraintes logistiques et administratives d'autant plus importantes que mon employeur est une organisation locale, qui ne bénéficie donc pas des mêmes passe-droits auprès des autorités israéliennes ni des même services de support administratif et logistique que les grandes organisations internationales. De nombreuses questions épineuses se sont donc posées lors de la préparation de ce voyage, à commencer par celle de mon assurance. La grande majorité des organismes d'assurance refusent en effet d'assurer les séjours dans les pays en guerre. J'ai finalement réussi à en trouver une qui accepte de me prendre en charge, et encore, seulement si les conditions de mon éventuel accident ne sont pas liées à un incident politique. En d'autres termes, j'ai le droit de tomber et me casser la jambe dans la rue, mais si un conflit éclate et que je prends une balle perdue, un éclat d'obus ou un parpin de maison sur la figure - ce qui n'arrivera pas, je vous rassure - ils ne couvriront rien. Je suis cependant actuellement en train de négocier une couverture maladie locale qui sera prise en compte par mon ONG, tout devrait donc se régler de ce côté. 

Viennent ensuite logiquement la question des conditions de rapatriement et celle du protocole d'évacuation à suivre en cas d'urgence politique ou de santé. Dans ce domaine, mon passage par le checkpoint de Rafah et non par celui d'Erez complique quelque peu la donne, car toute personne entrée par Rafah doit obligatoirement sortir par Rafah. Or en cas d'évacuation générale des internationaux de la bande de Gaza, l'écrasante majorité d'entre eux passeront par Erez et tout sera donc organisé en fonction du checkpoint israélien. Je devais donc envisager l'option plutôt désagréable d'avoir à me "débrouiller" avec mon ONG, mais j'ai heureusement appris par la suite qu'en cas d'urgence politique ou sanitaire qui ne puisse être traitée par les infrastructures médicales gazaouies, le Consulat de France serait capable malgré mon entrée à Rafah de me prendre en charge et assurer ma sortie par Erez comme n'importe quel autre international. Bénis soient les services consulaires français! 

S'est également posée la question de la possible incompatibilité diplomatique du mon passeport avec mon entrée à Gaza, dûe aux nombreux tampons israéliens qu'il possède, et donc de ce fait la nécéssité de l'émission d'un second passeport actif. C'est ce que j'ai décidé de faire par précaution, ce qui me permettra également d'avoir la possibilité de voyager dans d'autres pays du Moyen-Orient que ceux ayant signé un accord de paix avec Israël, à savoir, l'Egypte et la Jordanie.  

Mais être employée par une organisation locale signifie surtout une chose: il m'est impossible de passer par le checkpoint d'Erez, géré par les israéliens. Les autorisations étant d'ordinaire déja délivrées au compte goutte pour les internationaux (il faut un motif sérieux et justifié ainsi qu'une autorisation en bonne et due forme pour rentrer. Actuellement seuls les journalistes, les diplomates et les employés d'organisations internationales comme l'ONU, MSF, le CICR, etc., sont admis à Erez. Et encore, même si un permis est délivré en amont, l'entrée peut être refusée à tout moment pour des motifs laissés à la discrétion des autorités), il était donc inenvisageable pour moi - "simple" employée d'organisation locale - d'obtenir un permis pour pénétrer dans Gaza par le côté israélien. 

Mon seul choix était donc de passer par la frontière égyptienne, qui depuis la chute d'Hosni Moubarak au printemps 2011 a assoupli les conditions d'entrée et de sortie appliquées au checkpoint de Rafah, séparant l'Egypte de la bande de Gaza. Cet assouplissement est surtout valable pour les Palestiniens, mais il reste toujours très compliqué pour les internationaux de passer. Officiellement, c'est même interdit. Mais je constaterai rapidement que les notions de "légalité" et "d'interdiction" sont toute relatives dans cette région du monde. 


Carte de de la bande de Gaza. Les checkpoints de Sufa et Kerem Shalom servent uniquement au passage des marchandises mais leur accès est considérablement restreint. Celui de Karni est fermé sur décision israélienne. Source: GANSO, 2011.


Pour entrer à Rafah, tout comme pour Erez, il faut obtenir ce que l'on appelle une "coordination". Cette coordination consiste en une double autorisation, délivrée à la fois par les autorités égyptiennes (plus spécifiquement les services secrets, ou "Moukhabarat") et les autorités palestiniennes actuellement au pouvoir dans la bande de Gaza, à savoir le Hamas. "Coordination" car ce double permis doit être produit et délivré en même temps et après consultation entre les deux autorités. Obtenir l'accord du Hamas n'a pris que quelques heures, mon ONG ayant d'excellents contacts du côté palestinien. La difficulté s'est concentrée du côté égyptien. Pour obtenir le fameux sésame, 2 options s'offraient à moi: soit passer par les contacts personnels de mon organisation, soit passer par l'ambassade de France au Caire qui aurait fait une demande de permis en mon nom. Ce processus est plus long et délicat que la première option (officiellement, tout voyage dans le Sinaï et la bande de Gaza sont formellement déconseillés par le ministère des affaires étrangères français, passer par l'ambassade pour demander un permis d'entrée est donc une affaire quelque peu délicate, d'autant plus que je ne pars pas travailler pour une organisation ou une structure française. Il existe donc une sorte de double discours du type "n'y vas surtout pas, mais si tu insistes vraiment on va t'aider" dont je dois avouer avoir encore un peu de mal à saisir toutes les nuances. Je tiens tout de même à saluer et remercier le pragmatisme des autorités françaises et de l'ambassade de France au Caire, la France étant par ailleurs l'un des seuls pays au monde à maintenir une antenne consulaire ainsi qu'un centre culturel actifs au sein de la bande de Gaza. Cela me sera salutaire en cas d'ordre d'évacuation, comme j'ai pu l'expliquer précédement). J'ai donc décidé de faire le choix de l'option "contacts personnels" de mon ONG, qui m'avait depuis le début assuré que tout se passerait bien, et que la coordination se ferait sans problème. Comme certains ont pu le suivre sur facebook, elle s'est "légèrement" trompée.


Quelque part dans le Sinaï, sur la route Le Caire - Rafah





Après un vol Paris-Vienne, puis Vienne-Le Caire et une nuit d'hôtel au Caire, je suis partie de très bonne heure en taxi la matinée du 14 avril, en espérant pouvoir passer facilement le checkpoint de Rafah après les nécessaires 5h de route dans le désert pour s'y rendre (voir carte ci-dessous pour les détails de l'itinéraire). Malheureusement, un problème imprévu dans la coordination du côté égyptien m'a obligée à passer 5 jours d'attente interminable seule dans le Sinaï, pendant lesquels j'ai dû faire des allers-retours quotidiens et peu sûrs entre la ville d'El Arish où j'ai pu trouver un hôtel (rien de plus près), et le checkpoint de Rafah situé à environ 1h de route à l'Est; le tout sans aucune garantie de me voir accordée l'entrée à chacune de mes visites au checkpoint, ni aucune connaissance de la date à laquelle elle me serait autorisée. Moment difficile, le Sinaï étant de plus une zone particulièrement peu sûre et instable actuellement, et la ville d'El Arish n'ayant pas vraiment bonne réputation. De nombreux groupes de combattants islamistes circulent en effet en ce moment dans le nord, s'en prennant notamment à l'armée égyptienne, aux infrastructures touristiques, aux réserves de fuel et à l'état d'Israël (certains se souviendront peut-être des incidents de cet été à la frontière Egypte/Israël, où un car israélien, un véhicule privé et une patrouille israélienne avaient été simultanément pris pour cible par des djihadistes opérant depuis le Sinaï. Plusieurs personnes avaient trouvé la mort du côté israélien et parmi les responsables de l'attaque, mais également du côté egyptien lors de la riposte israélienne qui avait par erreur ôté la vie à plusieurs soldats égyptiens. Cette bavure avait d'ailleurs fait grand bruit et jeté un nouveau froid dans les relations diplomatiques entre les deux états). J'ai moi-même pu concrètement vérifier cette instabilité, une embuscade organisée par un groupe de combattants salafistes ayant été menée en plein jour contre un convoi de l'armée égyptienne patrouillant à El Arish, faisant 2 morts et 1 blessé grave parmi les soldats. J'étais heureusement à ce moment en train d'attendre au checkpoint de Rafah que ma demande d'entrée soit validée. 

Au moment de ma présence à El Arish, l'armée était en train de rassembler des troupes en prévision du lancement d'une opération de grande envergure pour "nettoyer" le Sinaï de ses groupuscules djihadistes. Cela explique la présence des nombreux checkpoints temporaires mis en place par l'armée pour sécuriser les routes principales (cf carte ci-dessous). Je n'ai dû concrètement m'arrêter, montrer mes papiers, répondre aux questions, défaire mes valises et montrer mes photos ainsi que le contenu de mon téléphone, qu'au checkpoint le plus proche du Caire, marquant l'entrée de la route principale menant au nord Sinaï. Les checkpoints entre El Arish et Rafah étaient beaucoup plus "souples" et visaient selon moi à contrôler les mouvements d'un public bien particulier, au profil duquel je ne semblais apparemment pas correspondre...

Itinéraire France - Gaza city, emprunté du 13 au 18 avril.

Après plusieurs jours et tentatives infructueuses, jai finalement réussi à passer le checkpoint. Moment de quasi-euphorie, partagé avec les gardes et les passeurs présents au checkpoint qui, après presque une semaine d'allers-retours au sein de leur voiture et d'attente de 7h en moyenne passées à boire le thé et tenter de communiquer avec eux, s'étaient habitués à ma présence et commençaient même sans doute à apprécier cet exotisme venu rompre avec la monotonie de leur quotidien. Cela créait des scènes quelques peu improbables, où à chaque nouvelle matinée lorsque mon taxi me déposait devant Rafah pour une nouvelle journée d'attente, les trois quarts de la population gravitant autour de ce point stratégique me saluait par mon prénom, explosait de rire devant ma mine déconfite de ne toujours pas avoir pu passer, et me faisait comprendre qu'ils espéraient que ce jour soit le bon. "Inch'Allah". Les soldats gérant l'ultime checkpoint stationné une centaine de mètres en amont de celui de Rafah ne prenaient même plus la peine de contrôler mon passeport; mon statut marital, leur volonté de m'inviter passer la nuit dans leur famille et leur curiosité pour mon opinion sur Sarkozy et le résultat des élections en France les intéressant beaucoup plus que les motifs de ma venue que tous connaissaient déja par coeur. D'ailleurs, la premiere réaction d'absolument TOUT le monde lorsqu'ils apprenaient que j'étais française, était de me crier "AAAAHH SARKOZYYY!" et me demander ce que je pensais de lui... S'ensuivaient des débats improbables sur la stigmatisation de l'islam, eux cherchant par tous les moyens à me rassurer sur le fait que "les musulmans n'étaient pas des terroristes", que "l'islam n'était pas une religion prônant la violence", et que c'était plutot "Sarkozy qui la prônait et qui devrait être stigmatisé". Certains concluaient par un "dis le aux Français quand tu reviendras en France! Dis leur qu'on n'est pas des barbares! Montre leur! C'est important de le dire!"... Moment d'émotion et de honte. Je me suis prise à penser que ces gens avaient une conscience politique bien plus sage et réfléchie que beaucoup de mes compatriotes... Je serai curieuse de savoir ce que les Français pensent de la vie politique égyptienne. Beaucoup ne seraient probablement même pas capables de citer seulement le nom de l'ancien dirigeant égyptien malgré le tapage médiatique qu'à provoqué le printemps arabe. 

Entrée du checkpoint de Rafah. Je passerai de nombreuses heures à attendre devant cette grille que les gardes me donnent leur feu vert pour passer cette premiere porte, infranchissable en cas d'absence de coordination ou de défaut de permis.







 A force de me retrouver dépitée à chaque nouvelle matinée devant le checkpoint, les passeurs ne prenaient à la fin même plus la peine d'essayer de me convaincre de passer par les tunnels, mon besoin de retourner chaque soir à El Arish étant devenu au bout du compte quasiment plus lucratif pour eux que de me faire entrer dans la bande par la voie souterraine. Je ne remercierai d'ailleurs jamais assez ces gens, qui se sont fait un point d'honneur de constamment garder un oeil bienveillant sur moi et m'aider dès qu'ils en avaient l'occasion; le fait d'être une femme, seule, occidentale et ne parlant pas l'arabe constituant 4 handicaps qui cumulés auraient pu s'avérer très problématiques à certains moments de mon périple.

Checkpoint de Rafah. La vitre sur le pilône central du bâtiment est celle du bureau des gardes où je passerai une partie de mon dernier jour pour me protéger de la tempête de sable. C'est contre cette vitre que se sont regroupés les passeurs pour me féliciter lorsque mon feu vert pour Gaza est enfin arrivé.






Le jour de mon passage, une violente tempête de sable a donné pitié de moi aux officiers du checkpoint - qui eux aussi commençaient à bien me connaitre - et qui m'ont permis de rentrer m'abriter dans leur bureau. Lorsque finalement, le tant attendu feu vert de la Mukhabarat est arrivé jusqu'à leur radio, je crois honnêtement que tout le monde dans le bureau était aussi heureux que moi de ce dénouement auquel plus personne - y compris moi - ne croyait. La nouvelle a fait le tour du checkpoint en quelques secondes, et tous les passeurs et porteurs de valises que j'avais cotoyé sont venus se regrouper contre la vitre qui donnait sur l'exterieur, me criant des "YALLAH JOUAAAANNE!" avec leurs deux pouces en l'air, m'offrant leurs plus beaux sourires édentés et jaunis par le tabac. Moment improbable d'euphorie collective. Après un dernier thé avec les gardes, me voila donc partie vers le deuxième point de contrôle, la peur au ventre que toute cette histoire ne soit rien qu'un faux espoir de plus. 

Passeurs, changeurs de devises, porteurs de valises, etc. Tous attendent ici tous les jours (sauf le vendredi) de 9h à 18h l'arrivée d'éventuels clients. L'homme en gris se dirigeant vers le checkpoint aura été mon taxi attitré pour mes retours sucessifs à El Arish.






 Après avoir marché une centaine de mètres, je pénètre dans le batiment principal du checkpoint. Et là, surprise. Un véritable hall d'aéroport! Malheureusement pas de photo à l'appui, mais l'austérité de la porte extérieure et du bureau des gardes ne laissait pas présager un tel contraste avec la modernité et la propreté des locaux internes. Après avoir fait passer mes valises dans un scanner et avoir franchi un portique de sécurité où l'on m'a (re)demandé mon passeport ainsi que les motifs de ma visite à Gaza, je penètre dans un grand hall moderne, lumineux et très haut de plafond. Au centre, des rangées de sièges destinées aux voyageurs. En face des sièges, le département "passeport control", où des agents assis derrière un comptoir en marbre abrité par de larges vitres blindées contrôlent les passeports et les autorisations des voyageurs. Pour se voir accordé le tampon de sortie du territoire égyptien, il faut acheter un timbre de sortie qui me coutera 4 Livres égyptiennes (LE), et coller ce timbre sur une déclaration de douane que j'ai dû préalablement remplir. J'ai attendu dans ce hall environ 20 min, puis les douaniers m'ont finalement rendu mon passeport, estampillé de l'indispenspensable tampon "Exit - Rafah Border". Ensuite, direction un couloir situé à la droite du comptoir, où des agents des douanes (ou quelque chose de ressemblant, les gardes égyptiens ayant tous les mêmes uniformes dans le checkpoint) me demandent une nouvelle fois de montrer mes papiers. Je dois également m'acquiter d'un "droit de sortie" de 120 LE environ à un petit comptoir stationné dans le couloir à proximité du point de contrôle. J'aurais d'ordinaire cherché à en savoir plus concernant cet étrange droit de passage dont tout le monde avait oublié de me mentionner l'existence (encore heureux qu'il me restait un peu de liquide égyptien...), mais ma lassitude après 5 jours de galère, ma peur d'arriver après l'heure de fermeture du checkpoint palestinien situé de l'autre coté (car oui, ce n'est pas fini...) cumulée à celle de me faire renvoyer au point de départ sans raison m'ont dissuadé de trop discuter les conditions de sorties appliquées par les autorités égyptiennes. 

Je poursuis donc mon chemin dans ce couloir, égayé de commerces multiples, dont une boutique Duty Free, un magasin de souvenirs, un comptoir de change, etc. En bref, tout l'attirail commercial nécessaire à un passage de frontière internationale en bonne et due forme. Je sors enfin du bâtiment, marche une centaine de mètres et arrive sur une sorte de parking où un bus attend les voyageurs. Sachant qu'un employé de mon ONG m'attend à la sortie du checkpoint palestinien que je pense apercevoir en face de moi, j'ai un mal fou à comprendre que ce que je vois n'est en fait pas le point de contrôle palestinien mais la porte de sortie du checkpoint égyptien! (Il m'était en même temps très difficile de me repérer et de comprendre le fonctionnement du système de contrôle, quasiment aucun panneau explicatif n'étant présent pour me diriger, et personne ne parlant le moindre mot d'anglais. J'ai eu l'occasion de regretter amèrement à de très nombreuses reprises ma non-persévérence dans mes cours d'arabe à Grenoble, mon manque flagrant de maitrise de la langue arabe m'ayant énormément handicapée. Je me suis promise de travailler dur pour combler cette lacune durant mon année à Gaza). Je comprends enfin grâce à plusieurs coups de fil passés à mon ONG, à qui je passais au téléphone quelqu'un choisi au hasard dans mon entourage afin de tenter de comprendre ce que l'on attendait de moi (ma principale méthode de traduction utilisée pendant tout mon parcours jusqu'à Gaza city quand les choses se compliquaient trop), que les bus présents étaient en fait les moyens de transports obligatoires à emprunter pour se rendre jusqu'au point de contrôle palestinien, pourtant situé à seulement quelques centaines de mètres de là où je me trouvais. Me revoila donc en route, un ticket de bus à 20 LE en poche, pour la dernière étape de mon entrée dans la bande de Gaza. 

Une fois le bus arrivé, mes valises sont sorties de la soute par des gardes et partent dans un local de contrôle sans que l'on m'autorise à les approcher. Je suis quant à moi invitée à pénetrer dans un bâtiment moderne, bardé encore une fois de sièges d'attente et d'un comptoir de contrôle des passeports. L'ambiance change légèrement par rapport aux locaux égyptiens. Les agents du checkpoint sont en civil, un talkie walkie schotché à l'oreille, parlent un bon anglais (oh joie, oh bonheur, oh délivrance!) et leur première question lorsque je leur tends mon passeport est: "Who is waiting for you?". Je leur donne donc le nom de la personne m'attendant de l'autre coté, et vois au bout d'à peine 2 min un jeune homme en chemise impeccable passer les contrôles dans l'autre sens pour venir me retrouver. Il s'agit de Mahmoud, l'assistant du docteur Eyad Serraj, le président de l'ONG. Ce fut l'un de mes 2 interlocuteurs privilégié lors de mes 5 jours de voyage jusqu'à Gaza (il s'avèrera par la suite que nous sympathiserons vite et passeront beaucoup de temps ensemble une fois mon installation à Gaza city effectuée. Notamment devant les matchs du Barça et du Real Madrid, deux équipes de football auxquelles les Palestiniens vouent un véritable culte). Il est tout aussi soulagé que moi d'enfin faire ma connaissance et mettre un visage sur un nom et une voix (j'aurais tout de même passé en cumulé plusieurs heures au téléphone avec lui). Il me dit en guise de bienvenue être très agréablement surpris, qu'il ne s'attendait pas à ce que je sois aussi jeune, et je suis apparemment bien mieux en vrai que sur ma photo de passeport. Ah le Moyen-Orient et ses délicieux rapports de genre...! Je n'ai pas le temps de me demander comment ce genre de réflexions peuvent lui venir à l'esprit dans un tel contexte qu'il me tend deja un formulaire en arabe à destination du Hamas à remplir, ce que je m'emploie à faire. Statut marital, raisons de ma venue, profession, religion, organisation référente, tout y passe. Etant donné l'heure tardive de mon arrivée, les agents du Hamas qui ont tous envie de rentrer chez eux et qui ne sont pas franchement ravis de voir l'arrivée d'une internationale les retarder dans leur programme commencent à s'impatienter. Il faut dire que l'émission d'un permis de séjour à Gaza en bonne et due forme prend du temps. Ils menacent même de me renvoyer pour la nuit à la frontière égyptienne. S'en est trop pour Mahmoud qui décide de prendre les choses en main et hausse légèrement le ton en expliquant ce par quoi je viens de passer les jours précédents. Une solution est rapidement trouvée, et mon passeport finalement estampillé du précieux tampon "Palestinian Authority - Rafah Border Control". Je récupère mes affaires, on me rend mon passeport au bout de quelques dizaines de minutes, le temps de procéder à des vérifications supplémentaires, et nous sortons du checkpoint sous l'escorte de l'un des agents qui nous accompagnera dans le taxi pendant une partie du trajet. L'aventure gazaouie peut enfin commencer.

Jamais je n'ai été aussi heureuse de l'obtention d'un nouveau tampon dans mon passeport. J'ai tellement sué pour celui-ci qu'il mérite bien une photo.

Après la traversée quasi-complète de la bande en voiture qui me donnera un premier aperçu de mon nouvel environnement de vie, j'arrive tard dans la soirée à Gaza city, où le propriétaire de mon nouvel appartement nous attend pour nous faire visiter mon potentiel nouveau chez moi. Après une brève visite, je décide d'y déposer mes affaires et file sans prendre le temps de me changer en taxi avec Mahmoud jusqu'à la (magnifique) maison du docteur Eyad Serraj, dans le jardin duquel se tient une réception en l'honneur d'une délégation de psychologues et médecins américains venus faire un échange de compétences pour une dizaine de jours. Le jardin, extraordinaire de senteurs, de couleurs et d'agencements, rendrait probablement jaloux le paysagiste en chef du jardin des plantes de Paris. Musiciens, barbecue géant, cuisine raffinée, cuisiniers, majordome... Premier vrai repas depuis 5 jours, et changement de décor radical comparé à mes précédentes journées. Difficile de croire que je me trouve à Gaza, ce territoire qui avait si durement souffert des bombardements israéliens lors de l'opération Cast Lead il y a à peine quelques années de cela. L'environnement n'a aucune commune mesure avec celui que je m'étais malgré moi imaginé avant mon départ. A n'en pas douter, Monsieur Serraj a réussi dans la vie. Pour un homme de sa grandeur, de son humanité et de sa qualité de coeur et d'esprit, qui a tant fait pour la communauté gazaouie et même bien au delà, cette réussite n'est qu'amplement méritée. Première soirée et déja plusieurs numéros échangés, plusieurs contacts établis, des invitations à manger, des échanges d'informations sur mille et un sujets, des conversations politiques enflammées avec des personnages hauts en couleur... Je me sens plus que jamais à ma place et heureuse de ce nouveau chapitre sur le point de s'entamer. Welcome back to Palestine.



2 commentaires:

  1. I'm sorry for your suffering in the way to Gaza, I hope it will be a useful experience for you. keep the good working.

    RépondreSupprimer
  2. I'm sorry for your suffering in the way to Gaza, I hope it will be a useful experience for you. keep the good working.

    RépondreSupprimer